Ce sera la plus grande mosquée du pays et sans doute
d'Afrique de l'Ouest. Un chantier colossal, des mensurations qui
donnent le tournis... Le tout grâce à la générosité des mourides.
Gigantesque ensemble de voûtes et de
coupoles, le tout surmonté de cinq minarets enrubannés
d'échafaudages, la grande mosquée Massalikoul Djinane de Dakar sort
progressivement de terre. Financés par la puissante confrérie
mouride, les travaux ont démarré il y a deux ans, sur un vaste
terrain de six hectares, dans le quartier populaire de Colobane.
De maigres palissades en tôle cachent difficilement l'immense
chantier. Quelques-uns des 250 ouvriers du Consortium des
entreprises du Sénégal (CDE), chargé du gros oeuvre, s'agitent sous
un soleil de plomb. Tout autour, des baraquements temporaires
servent de bureaux et de salles de réunion aux responsables du
projet.
Abdou Khadre Fall est l'un d'entre eux. Casque jaune sur la tête,
le superviseur des travaux se dirige vers le bâtiment d'un pas lent
et fier. "Le gros oeuvre sera terminé début novembre. Il restera
ensuite les finitions, ce qui pourrait prendre près d'un an,
explique-t-il. Ce sera la plus grande mosquée d'Afrique de l'Ouest."
Ses dimensions sont effectivement frappantes. Massalikoul Djinane
("les chemins du paradis", en arabe) pourra accueillir 7 000
fidèles dans la grande salle de prière. L'aire des femmes attenante
aura, elle, une capacité de 3 000 places. "Et encore, il faut
ajouter l'esplanade extérieure qui, lors des temps forts comme le
mois de ramadan, pourra contenir jusqu'à 20 000 personnes",
renchérit Abdou Khadre Fall.
Soit, si l'on se fie aux prévisions des concepteurs, une capacité
totale de 30 000 fidèles... Quant au principal minaret, il culminera
à 75 mètres - c'est sept de plus que celui de l'actuelle grande
mosquée de Dakar. Dans sa belle villa du quartier Mermoz, Amadou
Mbakiyou Faye, représentant du khalife général des mourides dans la
capitale, ne cache pas sa satisfaction face à la progression des
travaux.
La soixantaine affable, l'ancien maire du Grand-Dakar, proche
d'Abdoulaye Wade (l'ex-président lui avait confié la direction des
travaux du très coûteux et controversé monument de la Renaissance),
dirige le projet depuis ses débuts, en 2009. À l'époque, la
confrérie cherchait un terrain à Dakar pour y ériger une mosquée.
Wade, premier chef d'État mouride, lui donnera celui de Colobane.
Les travaux ne débuteront que trois ans plus tard, en juillet 2012, le
temps pour l'architecte sénégalais Meïssa Diodio Toure - qui a
dessiné les minarets de Touba - de peaufiner ses plans.
"C'était une vraie nécessité de construire cette mosquée, affirme
Amadou Mbakiyou Faye. Nous voulions créer un pôle de convergence, à
la fois pour les mourides, qui sont de plus en plus nombreux, mais
aussi pour le reste de la Oumma [la communauté musulmane, NDLR]."
Outre l'imposante mosquée, le complexe abritera un institut d'études
islamiques, équipé d'une salle de conférences dernier cri et d'une
luxueuse résidence pour le khalife et ses invités, pouvant
accueillir jusqu'à cent personnes dans des conditions dignes d'un grand
hôtel dakarois. L'idée est d'organiser bientôt ici un forum
économique réunissant une ribambelle d'hommes d'affaires. Il aura
lieu en décembre, une semaine avant le Magal, le grand pèlerinage
annuel à Touba commémorant le départ en exil de Cheikh Amadou Bamba,
le fondateur de la confrérie.

Pas de limites
Question budget, le khalife et ses proches ont vu grand. Très
grand même. Le coût de la mosquée est pour l'instant estimé à
13 milliards de F CFA (environ 20 millions d'euros), et celui de
l'ensemble du complexe à un peu plus de 30 milliards. "Le khalife a
souhaité faire une mosquée sublimant l'oeuvre de Cheikh Amadou Bamba,
justifie Amadou Mbakiyou Faye. Il n'a donc pas lésiné sur les moyens.
Et puis, avec le niveau de finitions que nous souhaitons atteindre,
il n'y a pas vraiment de limites."
Les cinq minarets ont par exemple été réalisés par Royam, une
entreprise suisse spécialisée dans les constructions verticales
grâce à la technique du coffrage glissant. Pour les travaux
d'embellissement, les dignitaires mourides ont fait appel à des artisans
réputés du monde entier. Des spécialistes marocains, turcs ou
encore italiens doivent s'atteler aux revêtements en marbre, à la
décoration de la coupole en feuilles d'or, aux lustres en cristal ou
encore à l'inscription d'arabesques. Le célèbre architecte allemand
Mahmoud Bodo Rasch, qui a réalisé de nombreux travaux en Arabie
saoudite, dont l'horloge géante de La Mecque, a aussi été contacté.
Selon Amadou Mbakiyou Faye, la totalité des fonds provient des
dons du khalife et des talibés. Des clips sont diffusés sur des
chaînes de télévision affichant les numéros des comptes bancaires à
créditer, un site internet a été mis en ligne, et les mosquées
mourides ont été équipées d'urnes destinées à recevoir la
contribution des talibés.
En janvier 2013, le khalife général avait demandé à chacun de
donner 500 puis 1 400 F CFA, mais les dons ont dépassé les
espérances : entre 1 000 et 10 000 euros sont récoltés chaque jour
dans la seule caisse de la mosquée en construction. Les hommes
d'affaires Cheikh Amar et Serigne Mboup rivalisent de générosité pour
apporter leur pierre à l'édifice. Ils sont, aujourd'hui, les plus gros
donateurs officiels du pays - même si l'essentiel des dons provient
de la diaspora, Italie, Espagne, États-Unis et France en tête.
Comme pour tous les lieux de culte, l'État n'intervient pas dans
le projet, mais la mairie devrait travailler à la réhabilitation des
environs du site. Pour Dakar, les retombées économiques seront
énormes : située entre les deux plus grands marchés de la ville, la
mosquée devrait changer le paysage urbain et modifier la sociologie
du quartier.
Source: Jeuneafrique.com