Le jeudi 28 janvier 2016, le magazine Jeune Afrique a publié sur son site une photo accompagnée d’un commentaire blasphématoire sur le fondateur du mouridisme, son éminence Cheikh Ahmadou Bamba alias Serigne Touba. L’auteur de ce sacrilège, en l’occurrence Damien Glez, prétendait ipso facto illustrer un article sur l’homosexualité. Cet acte ignoble à plusieurs égards (l’utilisation de la photo d’une figure aussi emblématique que Serigne Touba et le sujet infamant de l’article à savoir l’homosexualité) a suscité un tollé et créé une levée de boucliers au Sénégal où les pouvoirs spirituel et temporel, ainsi que les musulmans dans leur unanimité, l’ont vigoureusement condamné. Cette affaire tout comme les caricatures du Prophète (PSL) participent des signes de la Fin des Temps ou Akhirou Zamān, une époque où l’on aura tout vu et tout entendu, une époque où les homosexuels, les lesbiennes etc. seront très répandus.
D’emblée, je voudrais souligner le caractère galvaudé du terme “caricature” (que je mets entre guillemets dans le titre) dans cet emploi précis pour décrire cette illustration incriminée, non point pour dédommager son auteur (loin s’en faut!) mais pour les besoins de l’usage correct du mot. Le mot “caricature” est defini par le Larousse comme une “représentation grotesque, en dessin, en peinture, etc., obtenue par l'exagération et la déformation des traits caractéristiques du visage ou des proportions du corps, dans une intention satirique”; or c’est la photo originale du Cheikh (que j’ai vue telle qu’initialement publiée) qui fut utilisée, ne souffrant d’aucune “représentation grotesque” quelconque ou d’une altération quelle qu’elle soit. Le scandale donc réside dans le fait d’associer l’image (la photo) du saint-homme accompagnée d’un commentaire très irréverencieux, et qui plus est, dans un article qui aborde l’homosexualité. Quelques heures suite à la publication en ligne de cette photo et après des pressions supposées exercées sur le magazine, la photo en question fut retirée et remplacée par un dessin en caricature anonyme d’un homme avec le même commentaire.
Après avoir abordé la dimension factuelle, parlons maintenant de sa portée socio-spirituelle. Il faut dire sans ambages qu’il n'est pas concevable que des actes irrévérencieux de cette nature soient dirigés contre des personnalités religieuses de la carrure de Cheikh Ahmadou Bamba qui est le Guide spirituel de millions de gens. Bien que la photo fût remplacée par un dessin caricatural, cela ne peut en aucun cas réparer l’acte: le mal est deja fait. Le nouveau dessin ne pourra pas en effet éclipser le dessein de l’auteur: ternir l’image d’un homme de Dieu, figure symbolique de l’Islam et vénéré par des millions de personnes aussi bien au Sénégal qu’à travers le monde. Ces journalists mécréants croient à tort qu’ils peuvent se prévaloir de la liberté d’expression ou de la liberté de presse qui, au demeurant, n’a plus bonne presse. Comme je l’ai écrit dans un article que j’ai signé en 2011 et intitulé ‘‘Lynchage médiatique du mouridisme: œuvre satanique ou entreprise maçonnique?’’, «le droit à l'expression, qui doit s’accommoder avec le sens de la responsabilité, doit s'exercer dans les limites du droit des autres au respect de leurs institutions sacrées ».
Le lendemain de la publication de cette photo, une mise au point fallacieuse sous forme d’excuse laconique fut signée par Elise Colette, rédactrice en chef numérique, en ces termes: « Nous avons publié, le 28 janvier, une première version d'un dessin de presse de notre dessinateur Glez, qui intégrait une photo du fondateur de la confrérie mouride, Cheikh Ahmadou Bamba. Compte tenu de l'émotion suscitée au Sénégal, nous avons préféré supprimer ce dessin et le texte qui l'accompagnait. Avec ce dessin, notre intention n’était pas de blesser qui que ce soit, et encore moins de porter atteinte à la figure vénérée par de nombreux fidèles de Cheikh Ahmadou Bamba, mais de dénoncer la bêtise de ceux qui ne font pas la différence entre un caftan et une robe, avec toutes les déductions faciles et infondées qui pourraient en découler. Une simple analogie humoristique avec l’« affaire Waly Seck », donc. Nous comprenons néanmoins parfaitement que ce dessin ait pu choquer et présentons nos sincères excuses à tous ceux qui ont été offensés” (sic). Tout lecteur perspicace se rendra à l’evidence que cette explication, somme toute tirée par les cheveux, est condescendante et malhonnête. Quant à Marwane Ben Ahmed, patron de ce magazine, il a verbalement présenté ses excuses à toute la communauté mouride sur fond de mea culpa: « C’est clair!Nous n’aurions jamais dû publier ce dessin…», dit il.
Par ailleurs, il faut saluer le respect de la hiérarchie, le sens de la discipline et l’esprit pacifique qui ont toujours caraterisé les disciples mourides. Ceux de la capitale ont organisé une marche pacifique le vendredi 29 janvier afin de protester contre l’irréverence de ce magazine, et ce, conformément au Hadith du Prophète (PSL): « quiconque parmi vous voit une chose répréhensible, qu’il la corrige par sa main; s’il en est incapable, qu’il la dénonce par sa langue; s’il en est incapable, qu’il le fasse par son coeur: cela est le degré le plus faible de la Foi». Cette marche pacifique est à saluer car elle confirme, encore une fois, le caractere pacifique de l’Islam, au grand dam de ses détracteurs. En outre, elle rompt également d’avec les réactions sanglantes et meurtrières qui ont marqué l’actualité de ces deux dernières années en pareille situation. C’est cela véritablement la force. Celle-ci ne consiste pas à user de la violence. Cette force des mourides est inspirée de celle de la principale victime dans cette affaire, en l’occurrence Cheikh Ahmadou Bamba au sujet de qui Antoine Jean Martin Arthur Lasselves, administrateur du Cercle de Diourbel de 1913 à 1915 écrit: « Ce Cheikh Bamba détient certes une puissance innée dont la raison ne parvient pas à saisir la source et expliquer la capacité de forcer la sympathie. La soumission des hommes à lui est extraordinaire et leur amour pour lui les lui rend inconditionnels…Il semble qu’il détienne une lumière prophétique et un secret divin semblable à ce que nous lisons dans l’histoire des Prophètes et leurs peuples… Celui-là [le Cheikh] se distingue toutefois par une pureté de cœur, par une bonté, une grandeur d’âme et un amour du bien aussi bien pour l’ami que pour l’ennemi. Qualités dans lesquelles ses prédécesseurs l’auraient envié, quelque grande que fussent leurs vertus, leur piété et leur prestige… Les plus injustes des hommes et les plus ignorants des réalités humaines sont ceux qui avaient porté contre lui de fausses accusations consistant à lui prêter l’ambition du pouvoir temporel. Je sais que les
Saints et les Prophètes qui ont mené une guerre sainte l’ont fait sans disposer de la moitié de la force dont dispose ce Cheikh… »
Il est vrai qu’un disciple dont le guide spiritual est diffamé peut être affamé de vengeance mais un mouride doit sinspirer toujours et davantage de cette figure dont la stature est certes inégalable, mais qui marcha sans rupture sur les traces du Prophète (PSL) dont il hérita de toutes les qualités pour lesquelles Dieu l’a loué dans le Coran en ces termes: « Et tu es certes d’une moralité exaltante » (sourate 68, verset 4). Le Prophète Mouhammad (PSL) dit dans une de ses nombreuses sentences: « le preux chevalier n’est pas celui qui use de force ou de violence mais plutôt celui qui parvient à surmonter son courroux quand il est en colère » ; son Serviteur de renchérir : « lorsque je fus victime d’injustice (de la part des colonisateurs), je fis preuve d’endurance et de longanimité et Dieu me vengea et me rétribua; par conséquent, si quelqu’un parmi vous est victime d’injustice, qu’il fasse montre de longanimité et Dieu se chargera de le venger et lui réservera une rétribution ».
Cheikh Abdou Ahad Mbacké (troisième Khalif général des mourides) disait qu’« il n’y a que deux types d'individus qui nourrissent un mépris pour Serigne Touba : quelqu'un qui ignore réellement l'homme ou celui qui est jaloux de la dimension spirituelle dont Dieu l'a gratifié ». Il ajouta : « quelqu’un (Cheikh Ahmadou Bamba) qui a pardonné à ses ennemis n’a point besoin qu’on le venge». Dans un de ses traités sur le soufisme, Cheikh Ahmadou Bamba use de cette métaphore pour donner un signal fort dans le cadre de ses efforts de paix: «Si tu es consumé par le feu de la controverse, éteint le avec l’eau du silence et de la trêve. Si tu es piqué par le scorpion de l’altercation, enlève son venin par la commisération et la paix. Si tu es mordu par le serpent de l’hostilité, enlève son venin par le conseil et la générosité. Si tu es enivré par le vin de la colère et de la jalousie, abreuve-toi de l’eau de la longanimité et du détachement (des choses mondaines) ».
Loin d’user de l’argument de la force, il convient d’utiliser et d’encourager la force de l’argument en pareil événement (ne dit-on pas que «la plume blesse souvent plus que l’épée»)? Cette affaire vue par beaucoup comme “une caricature de Cheikh Ahmadou Bamba” peut se prêter à plusieurs lectures (spirituelle, politique, géo-stratégique, eschatologique etc), mais la plus grande lecture que j’en ai faite est la suivante: il ya un an, le Prophète Mouhammad (PSL) fut caricaturé par un autre tristement célèbre magazine français que je rechigne à nommer. Il fallait par consequent, et tout naturellement, s’attendre à ce que son Serviteur (Cheikhoul Khadim) fût l’objet d’un traitement similaire! Même si ma lecture singulière de cette affaire, quand bien même elle pourrait être percue comme cynique par certains, est pertinente. En effet, cet acte posé par ce magazine, quoique désobligeant, participe de la confirmation du statut de Serviteur du Prophète acquis par Cheikh Ahmadou Bamba! Celui-ci fut tellement fier de ce titre honorifique qu’il déclara: «Quiconque me refuse (mon statut de) Serviteur du Prophète, (je ne m’en offusque point), moi je le servirai donc eu égard au fait qu’il soit l’Elu (de Dieu) ». Je suis sûr que Cheikh Ahmadou Bamba ne se serait pas offusqué de cette illustration et de ce commentaire au regard des caricatures du Prophète dont il se mit au
service avec sacerdoce durant toute sa vie. Par contre, il est indubitable qu’il aurait été offensé par les caricatures faites sur le Prophète (PSL).
Cheikh Ahmadou Bamba n’aura pas été Khadim Rassoul i.e Serviteur du Prophète pour rien. Autrement dit, tout ce qu’on a fait au ou dit du Prophète (Rassoul) sera tôt ou tard réservé à Cheikh Ahmadou Bamba (Khadim Rassoul). Tout dans sa vie renvoie au ou rappelle le Prophète qu’il a imité tous azimuts, au point de faire un jour acheter un chameau, d’y monter, de faire quelques pas, puis de le mettre à terre pendant un moment avant d’en descendre et de dire: « c’est tout ce qu’il me restait à faire parmi tous les actes accomplis par le Prophète». Celui-là est le veritable Sunnite! L’amour de Cheikh Ahmadou Bamba pour le Prophète (PSL) est un secret de polichinelle et peut être illustré par un myriade d’exemples tirés de sa vie ou puisés dans ses nombreux écrits. Rien que les noms de sa progéniture auraient suffi comme exemple: Mouhammadou Moustapha, Mouhammadou Fādil (alias Serigne Fallou), Mouhammad al Amīn (alias Serigne Bara), Mouhammadou Bachīr (alias Serigne Bassirou), Mouhammadou al Mourtadā, pour ne citer que les plus célèbres “Mouhammad” parmi ses fils.. Dans un de ses vers, le Serviteur du Prophète écrit: « (Plût à Dieu) que je misse ma joue sous les pieds du Prophète (élu de Dieu) comme rempart pour qu’aucune épine ne l’eût piqué ». Dans un autre, il affirme : «mon amour pour notre maître le Prophète (choisi de Dieu) a effacé (de mon cœur) l’amour que j’aurais nourri pour ma famille, mes enfants et mes biens ». Pendant son exil, Cheikh Ahmadou Bamba endurait toutes les souffrances que les colonisateurs français lui infligèrent par amour pour le Prophète : «les panégyriques que je dédiai au Prophète me firent oublier tous les sévices que j’eus endurés à Matadi (port situé en Afrique centrale », écrit-il.
L’aura spirituel de Cheikh Ahmadou Bamba sera toujours grandissant et son ordre spirituel (le mouridisme) qui n’est rien d’autre que la revivification de la Sounna du Prophète ne cessera d’être célèbré partout dans le monde. Le guide des mourides avait prédit dans ses écrits: «Dieu m’assistera et les gens me suivront des mers et des terrres, et je leur serai utile sans préjudice». Il faut dire que cette prophétie qui s’est réalisée depuis fort longtemps et qui connait un succès toujours grandissant dans plusieurs coins du monde ne manquera pas de porter ombrage aux ennemis de l’Islam dont le mouridisme porte aujourd’hui l’étendard. De ce point de vue, il est l’ennemi à abattre par tous les moyens possibles et imaginables. Le seul moyen d’y faire face est, comme l’a récemment dit Serigne Mountaqa Mbacké lors de la rencontre des ouléma (érudits) mourides, le retour à la quête du savoir, aux enseignements de Cheikh Ahmadou Bamba, à l’intérêt pour toutes les connaissances utiles, gage d’une vie agréable ici-bas et agréée en vue de l’au-delà. Je termine cette humble contribution par citer votre serviteur (qui se veut serviteur du Serviteur) dans son article cité plus haut : « ‘le chien aboie et la caravane passe’ ! La caravane du mouridisme est inexorablement en marche et ne cesse d'ouvrir ses vannes au grand dam de ces esprits en panne».
Cheikh Amadou Bamba Seye, Professeur d’anglais et doctorant aux USA. Email : khadimulfadlu@hotmail.fr

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