De 1927 jusqu’à présent, l’on peut dire que le yoonu mouride (Mouridiyya) connait de profondes transformations. Qu’il s’agisse de la voie en tant que telle, ou de Touba comme expression de la réussite mouride , l'on dirait que les mourides baignent dans une exceptionnalité brillante à travers un parcours brillant. Les mourides ou les sympathisants « mourides » sont devenus plus nombreux, plus visibles, plus présents et aussi très audibles. La chose « mouride» est devenu un état de fait. Aimons-nous bien à dire juuma ji agg na (le projet de la grande mosquée est devenu une réalité), ndox mi walna (l’eau coule à flot) , xaliss bi barina ( l’argent circule), barké bi yokuna ( la baraka a atteint un haut niveau), keur Serigne Touba yi amna fepp ( les maisons-centre dits keur Serigne Touba existent presque partout dans le monde), mboolo mi funé lanuy bayiko ( les gens viennent de partout) qacida yi ngi jokk ca kaw ( les qacida sont audibles de partout ), Serigne Touba daal amul moroom ( Serigne Touba est hors norme) ! En résumé, voilà la mémoire mouride c'est-à-dire une mise en scène à travers un parcours dans lequel l’artisan ou ses artisans et l’œuvre sont profondément liés. En effet, à travers l’esprit imaan (foi) , islam ( l’action) ou l’ihsaan ( la perfection) dont Serigne Touba dit qu’il constitue l’esprit de la voie mouride , alors que dire ou penser des autres esprits ? On dirait qu’une séquence s’achève sans doute autour de l’esprit de la voie mouride : une nouvelle séquence s’ouvre avec de nouveaux esprits. Dans le jeu des formes, des dynamiques, des positions, des discours, l’on assiste ainsi à ce qui peut bien apparaitre comme une rupture essentielle dans la voie mouride. On aime bien écrire ou célébrer nos réussites, nos victoires, mais nous avons aussi l’habitude de repousser au loin nos tares, nos manquements. On dirait que la culture du Moi est entrainer de nous dominer, de prendre le dessus sur nous. Alors en faisant un retour critique sur les conditions d’existence de ce legs (voie mouride), nos histoires, nos paroles, nos comportements, l’on est tenté parfois même de dire que nous sommes encore loin de l’esprit de Serigne Touba. On dirait que cette voie se divise en deux parties ou en plusieurs parties ? Cela peut paraitre vrai, mais sachons la cause n’est rien d’autre que l’existence ou la survivance de certains esprits. Chacun d’eux à ses propres pratiques, un but ou des objectifs. Ils se projettent, investissent toutes les parties de la voie tout en remodelant ou essaient de remodeler l’esprit de la voie. Leurs comportement sont révélateurs des transformations de la voie mouride et son esprit. Qui sont-ils ?
- L’esprit famille
- L’esprit intellectuel
- L’esprit ceddo
- L’esprit politicien
- L’esprit partisan
- L’esprit rural
- L’esprit urbain
- L’esprit serigne-lamb
- L’esprit moderne
- L’esprit territoire
- L’esprit monde
L’esprit mouride (imaan, islam et ihsaan) est entrain d’être régenté par ces esprits. Alors, où se situe le degré de leurs implications dans le fonctionnement de la voie. Sont-ils d’un apport négatif ou positif ? Je reviendrai sur chaque esprit et son impact dans nos comportements. Ce qu’on peut retenir juste c’est qu’avec ces esprits, un nouveau type de mouride ( NTM) est entrain de naître loin de l’idée que Serigne Touba se faisait du mouride. Ce qu'on pourrait appeler murid gu yees gi. Ce nouveau type de mouride a pour matériau le bas-monde, celui-ci constitue en lui une dimension importante. Ainsi, le chercheur en quête de codes nécessaires pour déchiffrer la cosmologie actuelle de la voie mouride se doit de prendre le bas-monde en considération. Celui-ci fonde maintenant notre imaginaire, il en constitue le plus important noyau, son podium d’excellence. Et cet imaginaire, qui s’exprime en termes de réussite. Dans cet imaginaire, la voie mouride est vue comme une voie de succès. C’est pourquoi l’on ne doit pas s’étonner que beaucoup de figures du succès mondain c'est-à-dire les musiciens, les joueurs de foot, les lutteurs, les politiciens se réclament de la voie mouride. Ce sont ces stars qui représentent la réussite sociale, qui règnent et peuvent exhiber leur succès comme le ferait un serigne-lamb (esprit marabout lamb) devant un public surexcité composé essentiellement de jeunes urbains en manque parfois de repère (esprit urbain). S’exhiber, consommer, jouir de façon ostentatoire, tout ce par quoi la réussite sociale s’extériorise et qui permet de prendre la mesure du pouvoir et du prestige. Il n'existe presque aucun espace de la voie ( Mouridiyya) qui ne soit pénétré par le fun. Presque maintenant tout est fun. Et même l'on peut dire que toute représentation de l'imaginaire du (NTM) est créé autour de lui. Ainsi, l'esprit imaan, islam , ihsaan , le crédo de l'esprit mouride sortira-t-il indemne de sa confrontation avec tous ses esprits.

Auteur: Mouhammadou Moustapha Diop

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